Le village d'Authevernes possède un édifice militaire du Moyen-âge, inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1933, d'un type rare et unique en Normandie.
Bâti en calcaire du pays, il affecte la forme d'un quadrilatère irrégulier d'environ soixante dix mètres de façade sur la place du bourg.
Le monument est divisé dans le sens de la longueur par de grands murs qui délimitent une haute cour, où sont situées les principales constructions et une basse-cour, siège des jardins.
Le Fort, comme on le nomme dans le pays, ne montre aucune trace de fossés extérieurs, ni aucun autre ouvrage défensif. Il ne s'agit donc pas d'un château féodal classique, mais d'un manoir fortifié, ou maison forte.
Il se compose de plusieurs corps de bâtiments : le logis du maître de maison, une longue construction avec une tour en façade de rue, puis des granges dont il ne reste que des murs extérieurs ou des fondations.
La première pièce au sud-est, montre; dans un angle; une construction en maçonnerie qui s'élève du rez de chaussée jusqu'à la toiture, ce sont des latrines, dont le siège en pierre est bien visible au premier étage. Puis existe une tour barlonne de dix sept mètres environ qui occupe toute la largeur de la construction. Vers l'ouest est accolée une tourelle éclairée du côté cour par d'étroites meurtrières. Un escalier cylindrique, aménagé dans une cage ronde, conduit à une sorte de plate forme, actuellement détruite, que les gens du pays avaient baptisée "le paradis".
Le rez de chaussée de cette tour est un passage voûté en berceau aplati formé par deux portes cochères, aujourd'hui disparues; le passage est défendu par deux meurtrières dans les murs latéraux; deux meurtrières dans la voûte, ainsi qu'une sorte de goulotte creusée dans le linteau de la porte de la rue, et située près d'une cheminée au premier étage, et qui permettait vraisemblablement de verser un liquide bouillant sur les assaillants s'introduisant dans le passage.
Chacun des quatre étages de la tour est éclairé par des baies rectangulaires, du côté de la cour. Du côté rue, les premier et second étages sont aveugles. Les troisiéme et quatrième possèdent des baies à ébrasures internes, conservant encore, à leurs bases, deux bancs de pierre, communs dans les forteresses du Moyen-Age, et qui étaient nommés coussièges.
Dans la pièce, à côté de la tour, on voit l'ouverture de la meurtrière défendant le passage sous la voûte; à côté une grande baie, à appui oblique, est protégé par une grille basculante, et permettait sans doute de déverser du grain en sac, ou en vrac, depuis une charette. L'entrée de cette pièce est défendue par une meurtrière, et possède dans la voûte de la porte d'entrée un curieux cornet accoustique qui débouche au premier et second étage.
Dans cette pièce existe une cave voûtée, qui faisait sûrement office de cachot, car la porte d'entrée possède une feuillure, et a aussi au milieu du plafond un autre cornet accoustique qui correspond avec la pièce du dessus.
La cave qui suit est totalement effondrée, et devait être couverte d'un plancher, car il existe les échancrures dans les murs latéraux, qui devaient recevoir les abouts de poutre. L'entrée de cette cave, sur la cour, est moderne, on retrouve l'escalier d'origine dans le mur ouest.
La pièce suivante, sans cave, possède les restes du four à pain, nécessaire à la garnison. La baie sur cour est garnie de barreaux de fer qui montrent à peu près toutes les façons de garnir une ouverture. En face, au niveau du premier étage, dans la muraille nord existe une niche avec une petite fenêtre carrée dont le linteau et l'appui débordant à l'extérieur, sont garnis de barreaux de fer plat, horizontaux et verticaux, qui permettent de voir à l'extérieur, en étant relativement protégé. A l'intérieur de la niche, un siège en pierre montre un orifice rond correspondant à un conduit traversant la muraille et prenant jour au pied du mur. Ce sont des latrines. Cette ouverture ressemble aux archères sous plafond que l'on voit dans les châteaux forts du XII au XVème siècle. C'est une des parties architecturales les plus caractéristiques de tout l'édifice.
La dernière cave de cet ensemble de bâtiments est totalement effondrée, mais ses bases de murs font penser qu'elle était un peu en retour de la façade. De plus, des traces d'arrachement ou de déharpé d'attente, et surtout de reste d'une fenêtre au second étage, possédant encore ses coussièges, posent le problème d'une seconde tour, qui aurait été, soit détruite, soit en prévision mais jamais achevée.
Du côté ouest de la cour sont les bases des murs d'une grange. Du côté sud ouest le mur montre encore des meurtrières à type d'archères et d'arbalètrière. Dans un angle de cet ancien bâtiment, on trouve le puits encore visible sur environ neuf mètres de profondeur.
Une immense grange de trente mètres sur onze, au nord est, a perdu sa toiture et est adossée à la ruelle du fort. Le long de la ruelle, en remontant vers la maison, il y a des restes d'une grange qui a brulé en 1867.
La maison est construite au nord-est de la cour, et est séparée des bâtiments du premier groupe, par la porte d'entrée actuelle du fort. Elle comporte un rez de chaussée partielle et sur cave, surmonté d'un étage; et d'un grenier sans combles. La porte principale d'accès située au fond d'une baie en arc de cercle, à linteau en claveau montre l'épaisseur des murs: un mètre trente environ.
Elle donne accès à la pièce à vivre, où l'on trouve la cheminée. Les autres pièces sont disposées de part et d'autre.
Les murs donnant sur la cour sont percées de baies, dont on retrouve l'architecture d'origine, étroite, à double ébrasement intérieur et extérieur, avec l'appui intérieur incliné en bas, ce qui donne, malgré leur petite taille une lumière importante.
Le sol des pièces du rez de chaussée est dallé. Des escaliers bâtis dans l'épaisseur de la muraille donnent accès à des caves voûtées. Au premier étage, les poutres montrent un petit décor typique des XIV et XVème siècles. Le sol est recouvert de tomettes hexagonales épaisses. Quant au dernier étage, il s'agit d'un grenier avec comble à surcroit, avec une magnifique poutraison à ferme à entraits retroussés, et contrevents à croix de Saint André. Il existe, dans ce grenier, un second conduit de cheminée, aujourd'hui inutilisé, et inutilisable, fait de colombage et de bauge. Ce type de conduit n'est connu qu'à trois exemplaires :
Authevernes, un manoir du pays d'Auge, qui a été transformé
en Mairie, et un manoir du sud de l'angleterre. Il est à penser que tous les autres, vu les matériaux, ont du finir dans les flammes.
Quelle date peut-on assigner à la construction de la maison forte ? D'après certaines caractéristiques architecturales : baies en segment d'arc de cercle, jambage extérieur chanfreiné, archère sous plafond, coussièges, on peut vraisemblablement dater certaines parties des XII et XIVème siècle mais le XVème siècle peut convenir à l'ensemble.
L'histoire est pauvre en ce qui concerne le Fort : une des premières mentions du fief est faite en 1152, au nom de Guillaume d'Authevernes, seigneur de Chaumont. Au XIIème siècle, la famille de Tournebu possédait à Authevernes un fief très important : lors de la conquête de la Normandie, Phiippe Auguste donna à un seigneur français, Baudouin Daniel, de la famille de Bois d'Ennemets, tout ce que Jean de Tournebu possédait à Authevernes. Prévoyant que ce dernier n'aurait pas d'enfant, il transfèra à son frère Gilbert Daniel le fief d'Authevernes en 1216. En 1226, le Fort se tenait dans la famille de Trie, puis demeura longtemps dans la famille de Fours.
Jusqu'en 1895, le Fort resta par le jeu des alliances, dans la famille des Bois d'Ennemets. Il fut vendu, et son propriétaire s'en désintéressa allant jusqu'à le dépecer, pour vendre les tuiles, les charpentes et les pierres en 1947.
L'édifice est resté à l'abandon jusqu'en 1989, date à laquelle Monsieur et Madame Barthel l'ont acquis et s'efforcent de lui rendre son lustre originel.Dans la partie de la basse cour qui était en friche, Madame Barthel a crée un jardin d'inspiration médiéval mélangeant, fleurs, plantes médicinales, fruits, légumes dans un verger et un potager.
Les travaux sont dirigés par l'Architecte des Bâtiments de France. La maison forte d'Authevernes est sauvée.
Les photos et le texte ont été fournis par M. et Mme BARTHEL
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